Socio-ethnographie des indigènes de l'Allier
Mettant à profit, par anticipation, tous les apports théoriques de Marcel Mauss, Claude Lévi-Strauss et Pierre Bourdieu (comme qu'ils disent dans le poste) cette description des habitants de l'Allier ne peut souffrir aucune contestation.
Le caractère l'esprit et les habitudes des habitants de l'Allier ont été diversement appréciés par les écrivains et les historiens du pays, et souvent avec une sévérité peu flatteuse pour le plus grand nombre. Tout ce qui en a été dit, du reste, peut se réduire à ceci : en général, un caractère doux, facile et patient, une certaine mobilité d'idées et d'inconstance de sentiments dus, dit-on à l'inconstance du climat, un goût très prononcé pour l'indolence et le repos, un penchant vif pour la vanité et la parade extérieure (ce qui est exprimé par un vieux
proverbe populaire : Bourbonnichon, habit de velours, ventre de son,)
peu d'aptitude pour les arts, les sciences, la littérature et pour les
travaux et les occupations qui demandent quelque contention d'esprit, une
indifférence assez grande pour les choses, les événements et les
personnes qui n'ont pas avec le pays une relation directe.
Les passions,
les grandes passions de quelque nature qu'elles soient, s'y développent rarement; de la prévoyance, de l'économie,
le soin du bien-être personnel, mais avec honneur et probité, ce qui
n'empêche pas un penchant assez irrésistible pour les plaisirs et les
hasards du jeu. Les femmes y sont gracieuses, charitables et accortes
on vante les bonnes manières et l'esprit civil des citadins de Moulins, de Bourbon, de Néris et de
Vichy qui sont mis plus souvent que les autres habitants en contact avec
les étrangers; on préfère
plus volontiers la vie obscure et pénible, les calmes jouissances de la
vie vulgaire à tous les éléments de grandeur, à ces fortunes, à ces positions
sociales si enviées ailleurs et qu'il faut conquérir par trop de soin
et de labeur : mais, en général, on y a l'esprit sociable, de l'affabilité dans l'accueil et de la bonhomie dans les relations civiles.
(...)
D'après le caractère des habitants de l'Allier que nous venons de
tracer, il est facile de se faire une idée des moeurs et de la vie
privée dont le laisser-aller parfois et le peu de sévérité s'allient
souvent à des habitudes religieuses et de dévotion, et avec un extérieur
d'ordre et de régularité qui n'est cependant pas de l'hypocrisie. Si
tous les ménages ne sont pas heureux ou exemplaires, il y règne
toutefois une sorte de concorde qui prévient toute dissension ou séparation scandaleuse. Il y a une sorte de pacte universel qui fait qu'on s'entend parfaitement à
l'amiable sur toutes choses, s'il y a des petites jalousies, des
petites rivalités entre voisins, elles se dissimulent presque toujours
sous des dehors polis ou de convenance.
Il y a peu de querelles violentes, peu ou point de duels, peu de crimes,. beaucoup de ruse et de finesse dans les affaires ce qui n'exclut pas une sorte de bonne foi. Il y a tel campagnard, dit un historien, qui emploie plus de sagacité dans l'achat d'une pièce de bétail qu'un courtier de commerce dans la conclusion d'un marché de bourse, et développe plus de ressources et d'intrigues dans la vente d'un morceau de terre que le plus habile diplomate dans un congrès où il s'agit de la destinée de l'Europe.
Aussi, si les querelles d'intérêt
ou autres se traduisent rarement en voies de fait, elles produisent
souvent des procès qui, malheureusement pour les plaideurs se terminent
devant ce qu'on est convenu d'appeler la justice où chaque parties, là
comme ailleurs, excitées par de perfides conseillers, voient s'engloutir
pour tout résultat leur fortune et leur repos.
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