DANSE MACABRE et GOETHE EN LEGO

TOTENTANZ de J.W. von GOETHE (1813), un strip-tease de trépassés, les exploits de Spider-Man et un guetteur sauvé par le gong.
Ce n'est pourtant pas la ballade la plus connue d'un Goethe vieillissant. Surtout en France. Mais qu'on se rassure, c'est aussi le cas du côté de l'Intelligence Universelle puisque ChatGpt attribue le poème à Ludwig Uhland.
 
Ernst Barlach - Totentanz (1924)

 
 
D'après Stegmeier, 1949 - Dans une lettre adressée à sa femme Christiane et datée de Dresde, le 21 avril 1813, Goethe mentionne avoir mis en "vers simples" (päulischen Reimen) quelques jours auparavant (le 17 avril) une "légende de la danse macabre" (Todtentanzlegende) que lui avait racontée August (son cocher).
 
Le sujet de la ballade est donc puisé dans un fond folklorique et non dans les Danses Macabres "officielles" promues par les Frères Mendiants pour l'édification des masses.

Totentanz de Goethe n'a pas beaucoup inspiré les illustrateurs. Peu commenté de ce côté du Rhin (même dans des cénacles réservés aux seuls initiés) et jamais publié dans les magazines frivoles destinés aux z'autres (maintenant, c'est fait), le poème doit sa diffusion auprès du grand public aux compositeurs de Lieder.

Ces vers auraient pourtant dû titiller un éditeur en quête de littérature tombée dans le domaine public  :
Und weil hier die Scham nun nicht weiter gebeut,
Sie schütteln sich alle, da liegen zerstreut
Die Hemdelein über den Hügeln
(Et comme la pudeur n’a plus de lois ici, tous se secouent, et les chemisettes sont dispersées sur les monticules)

Eugen Napoleon Neureuther, Totentanz-Ballade  "Randzeichnungen zu Goethe's Balladen und Romanzen", 1829.


NB - Cette traduction n'a aucune ambition poétique et n'offre aucune garantie académique. Elle pourra avoir quelque utilité pour des lecteurs qui souffrent de lacunes en allemand. Les autres feront mieux de se reporter au texte original publié plus bas.

 
DANSE MACABRE - J.W von GOETHE
Le guetteur, au milieu de la nuit,
Regarde en bas, vers les tombes alignées  ;
La lune a tout baigné de clarté,
Le cimetière s’étale comme en plein jour.
Une tombe bouge, puis une autre encore :
En sortent une femme, un homme, alors,
En chemises blanches traînantes.
 
Et voilà qu’ils tendent, se réjouissant déjà,
Leurs os pour former une ronde, une danse,
Pauvres et jeunes, vieux et riches ;
Mais leurs longues chemises gênent leurs pas.
Et comme ici la pudeur n’a plus de lois,
Tous se secouent, et dispersent leurs finettes
Qui jonchent les monticules.

 

Eugen Napoleon Neureuther, Totentanz-Ballade  "Randzeichnungen zu Goethe's Balladen und Romanzen", 1829. (détail)


 

À présent, les cuisses se lèvent, les jambes vacillent,
Ils prennent des postures étranges ;
Ça cliquette et claque par moments,
Comme si des baguettes frappaient la cadence.
Tout cela paraît si grotesque au guetteur ;
Alors le malin, le tentateur, lui murmure :
« Va ! Prends-toi un de ces linceuls. »
 
Aussitôt fait, il s’enfuit bien vite
Derrière des portes sacrées.
La lune, toujours, éclaire de sa lumière vive
Leur danse, effroyable et sauvage.
Mais peu à peu, l’un après l’autre,
Ils s’éclipsent vêtus, glissant doucement,
Et hop ! disparaissent sous la terre.
 
Un seul reste, trébuchant à la fin,
Tâtonnant et fouillant les tombeaux ;
Ce n’est pas un compagnon qui l’a blessé,
C’est l’odeur du linceul dans les airs qu’il traque.
Il secoue la porte de la tour, mais celle-ci le repousse,
Ornée de croix d’acier bénites,
Par chance, elle protège le guetteur.

 

Eugen Napoleon Neureuther, Totentanz-Ballade  "Randzeichnungen zu Goethe's Balladen und Romanzen", 1829. (détail)

 

Il veut ce linceul, rien ne peut l’arrêter,
Il n’a plus de temps pour réfléchir,
Il saisit la parure gothique de la tour,
Et grimpe de créneau en créneau.
Pauvre guetteur ! Tout est fini pour lui !
Le spectre avance de fioriture en fioriture,
Tel une longue araignée aux pattes interminables.

Le guetteur pâlit, il tremble d’effroi,
Il rendrait volontiers le linceul.
Mais voilà qu’un crochet de fer attrape
Un coin du tissu — c’en est fini pour lui.
Déjà, la lune s’éteint dans un halo,
Le glas tonne puissamment une heure,
Et en bas, le squelette s’écrase en morceaux.

 

Eugen Napoleon Neureuther, Totentanz-Ballade  "Randzeichnungen zu Goethe's Balladen und Romanzen", 1829. (détail)

 

 Totentanz - G.W von Goethe

Der Türmer, der schaut zu Mitten der Nacht
Hinab auf die Gräber in Lage;
Der Mond, der hat alles ins Helle gebracht;
Der Kirchhof, er liegt wie am Tage.
Da regt sich ein Grab und ein anderes dann:
Sie kommen hervor, ein Weib da, ein Mann,
In weißen und schleppenden Hemden.

Das reckt nun, es will sich ergetzen sogleich,
Die Knöchel zur Runde, zum Kranze,
So arm und so jung, und so alt und so reich;
Doch hindern die Schleppen am Tanze.
Und weil hier die Scham nun nicht weiter gebeut,
Sie schütteln sich alle, da liegen zerstreut
Die Hemdlein über den Hügeln.

Nun hebt sich der Schenkel, nun wackelt das Bein,
Gebärden da gibt es vertrackte;
Dann klippert's und klappert's mitunter hinein,
Als schlüg' man die Hölzlein zum Takte.
Das kommt nun dem Türmer so lächerlich vor;
Da raunt ihm der Schalk, der Versucher, ins Ohr:
Geh! hole dir einen der Laken.

Getan wie gedacht! und er flüchtet sich schnell
Nun hinter geheiligte Türen.
Der Mond, und noch immer er scheinet so hell
Zum Tanz, den sie schauderlich führen.
Doch endlich verlieret sich dieser und der,
Schleicht eins nach dem andern gekleidet einher,
Und, husch, ist es unter dem Rasen.

Nur einer, der trippelt und stolpert zuletzt
Und tappet und grapst an den Grüften;
Doch hat kein Geselle so schwer ihn verletzt,
Er wittert das Tuch in den Lüften.
Er rüttelt die Turmtür, sie schlägt ihn zurück,
Geziert und gesegnet, dem Türmer zum Glück,
Sie blinkt von metallenen Kreuzen.

Das Hemd muß er haben, da rastet er nicht,
Da gilt auch kein langes Besinnen,
Den gotischen Zierat ergreift nun der Wicht
Und klettert von Zinne zu Zinnen.
Nun ist's um den armen, den Türmer getan!
Es ruckt sich von Schnörkel zu Schnörkel hinan,
Langbeinigen Spinnen vergleichbar.

Der Türmer erbleichet, der Türmer erbebt,
Gern gäb er ihn wieder, den Laken.
Da häkelt – jetzt hat er am längsten gelebt –
Den Zipfel ein eiserner Zacken.
Schon trübet der Mond sich verschwindenden Scheins,
Die Glocke, sie donnert ein mächtiges Eins,
Und unten zerschellt das Gerippe.

Eugen Napoleon Neureuther, Totentanz-Ballade  "Randzeichnungen zu Goethe's Balladen und Romanzen", 1829

 

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En tant que média culturel, la règlementation en vigueur nous impose de signaler que Totentanz de Goethe a été adapté dans une animation Lego (vidéo à voir ci-dessous)



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